Le préscolaire. Si l’importance de ce niveau d’enseignement qui précède l’école primaire semble être mieux appréhendée en milieu urbain, ce n’est pas toujours le cas dans les zones périurbaines et rurales de la RDC. Ici, le concept fait l’objet de réticence au point de paraître comme non essentiel pour certains parents. En RDC, l’école maternelle ne revêt pas pour l’heure un caractère obligatoire. Néanmoins, une sensibilisation s’impose. Nous nous sommes entretenus avec un expert en la matière, Michel OTTO. Il arbore plusieurs casquettes. Il est coordonnateur national de l’Agence pour la Promotion de l’Enseignement (APE) ; formateur des enseignants et cadres de la maternelle et du primaire. Michel OTTO est aussi Inspecteur d’enseignement maternel et auteur de plusieurs manuels destinés aux opérateurs pédagogiques du préscolaire. Avec lui, nous analysons l’importance de l’école maternelle dans le processus de formation des enfants pour simplifier la compréhension de certaines notions de base en la matière.
SGC : Le « préscolaire » est ce concept autour duquel va gravité notre entretien. Qu’est-ce, en des termes simples ?
Michel OTTO : Le préscolaire, pour être le plus simple possible, c’est tout niveau d’enseignement qui précède la scolarité primaire de base, celle qui est obligatoire.
SGC : Le « préscolaire » et la « maternelle » semblent prêter parfois à confusion dans les esprits des non-initiés. Quelle est la différence entre les deux concepts ?
Michel OTTO : La différence entre les deux concepts n’existe que dans le sens d’inclusion et d’exclusion. Le préscolaire contient tout ce qui se fait avant la scolarité obligatoire. Par exemple, la crèche, la maternelle, la garderie sont des structures faisant partie du préscolaire. L’école maternelle est aussi une des composante du préscolaire. L’école maternelle est cette structure préscolaire qui reçoit les enfants de deux sexes dont l’âge varie entre 3 à 6 ans pour leur assurer un certain enseignement. Il y a la présence d’un programme des matières. Il faut dire que dans son sens initial, l’école maternelle était uniquement publique et tout ce qui était privé s’appelait jardin d’enfants. Mais, aujourd’hui, les deux structures s’appellent indistinctement école maternelle.
SGC : Certains parents, dans les milieux ruraux comme urbains, sont moins enclins à inscrire leurs enfants à l’école maternelle. Quelle est l’importance et les objectifs poursuivis par ce niveau d’enseignement ?
Michel OTTO : Les objectifs de l’école maternelle sont principalement la socialisation de l’enfant avec son milieu. La préparation de son entrée à l’école primaire constitue un des objectifs. Certains pays s’assignent d’autres objectifs à ce niveau. Mais en RDC, la Loi-Cadre N°14/004 du 11 février 2014 souligne que « L’enseignement maternel a pour but d’assurer l’épanouissement de la personnalité de l’enfant par une action éducative en harmonie avec le milieu familial, social et environnemental. Il concourt essentiellement à l’éducation sensorielle, motrice et sociale de l’enfant et à l’éveil de ses facultés intellectuelles. Il le prépare à accéder à l’enseignement primaire ». Cet objectif n’est pas loin de celui de certains pays d’Afrique francophone.
En ce qui concerne l’importance de l’école maternelle, elle est à retrouver à la fois sur le plan scientifique, social et économique. Sur le plan scientifique, il est démontré que si un enfant ne commence ses études qu’au niveau primaire, il lui sera difficile de combler le déficit des notions qu’il aurait assimilées au niveau précédent. Des conséquences seront ressenties toute sa vie. La maternelle prépare l’élève à affronter avec efficacité l’assimilation des matières au niveau primaire car les jalons seraient déjà posés. D’un point de vue social, les écoles maternelles permettent de combler le vide causé par l’indisponibilité des parents en général, et des mères en particulier. Austrate et Augé, deux pédagogues, ont dit : « Si toutes les mères étaient intelligentes et comprenaient bien leur mission providentielle, la place de tous ces enfants serait toute marquée dans les foyers domestiques et les écoles maternelles seraient inutiles, voire nuisibles. Or, les femmes de nos commerçants, des ouvriers et autres cultivateurs, préoccupées par le souci de gagner le pain au quotidien, se rendent dans leur commerces, champs, etc. laissent les enfants seuls. Ces derniers courent les rues et deviennent grossiers et vicieux. Voilà toute l’importance sociale des écoles maternelles ». Dans le volet économique, les parents qui ont raison de penser que caser un enfant au niveau maternel est une perte. En effet, la finalité économique du préscolaire n’est que culturelle et son produit, est un produit de consommation. Mais vu l’évolution scientifique, l’école maternelle commence petit à petit à devenir une école préparatoire pour le niveau primaire. L’État devrait s’impliquer pour en faire une école obligatoire et non plus facultative.
SGC : Vous sembler être de ceux qui mènent un plaidoyer en faveur d’une école maternelle obligatoire. Cependant, quel est l’essentiel des matières à ce niveau d’enseignement ?
Michel OTTO : À l’école maternelle, comme relevé plus haut il y a la présence d’un programme d’enseignement. Ce document, émis par le Ministère ayant ce niveau d’enseignement dans ses attributions, dispose d’un contenu-matière à dispenser aux enfants d’âge préscolaire. Ce contenu est adapté aux différents âges des enfants. C’est-à-dire un contenu différent pour les enfants de 3, 4 et 5 ans. L’essentiel des matières dans plusieurs pays, pour ne pas parler seulement de la RDC, tourne autour des activités ayant trait au langage, à la psychomotricité, au sensoriel et à la socialisation. Les personnes destinées à enseigner à l’école maternelle doivent être capables de mettre en œuvre différents types de pédagogie pour amener chaque enfant à libérer son potentiel.
SGC : Vous êtes expert sur les questions de l’éducation préscolaire et consultant au Service national de formation des enseignants au niveau du Ministère de l’EPST. Quels conseils prodiguiez-vous aux parents qui hésitent encore à inscrire leurs enfants à l’école maternelle ?
Michel OTTO : En tant qu’expert dans ce domaine du préscolaire, je dirais qu’il est très important que les enfants passent par la maternelle. Cela prépare bien les enfants à affronter l’école fondamentale. Au préscolaire, l’enfant a déjà appris comment tenir l’outil d’écriture, il a déjà appris à cohabiter avec les autres enfants, il a déjà amorcé le passage de l’enfant à l’élève.
SGC : Vous êtes également administrateur principal d’un groupe WhatsApp regroupant autant de membres des pays de l’Afrique francophone. D’où vous êtes venue cette idée et comment fonctionne ledit groupe ?
Michel OTTO : Oui, j’ai mis sur pied ce groupe dénommé « Vive la maternelle ». C’est un groupe panafricain regroupant les opérateurs pédagogiques du préscolaire d’un certain nombre des pays de l’Afrique francophone. L’objectif est de partager les expériences entre nous car l’union fait la force. La devise du groupe est « Je connais, je partage. Je ne connais pas, je demande ». Grace à ce groupe, nous avons mené plusieurs activités dont une enquête sur la présence des manuels scolaires dans les classes maternelles d’Afrique francophone. Il s’est dégagé le constat que l’Afrique a besoin de réfléchir pour mettre sur pied des manuels scolaires destinés aux enfants et aux éducateurs/éducatrices du préscolaire. Ainsi, nous nous soutenons mutuellement afin de renforcer nos capacités pour relever les différents défis auxquels nous sommes confrontés. En outre, chaque deuxième quinzaine du mois, nous organisons une formation sous forme de « débat-forum » portant sur une difficulté rencontrée par des membres dans l’exercice de leur travail. Des innovations et la promotion des manuels scolaires, des matériels didactiques, des nouvelles techniques ou approches sont des sujets qui font l’objet de ces différents débats-forums.
En outre, étant un groupe panafricain, chaque pays a un administrateur-pays. Son rôle est d’assurer la promotion du groupe et faire adhérer le plus de membre de son pays dans la grande famille éducationnelle du préscolaire.
SGC : Vous avez récemment publié un ouvrage intitulé « Les activités libre et les coins jeux au préscolaire ». Aviez-vous l’intention d’en rédiger très prochainement un autre ?
Michel OTTO : Oui, je suis l’auteur de ce livre concernant les activités libre et les coins jeux au préscolaire publié aux Editions Universitaires Européennes. Les deux prochains ouvrages sont : « La conception des travaux des enfants au préscolaire » et « Les techniques d’accueil des enfants au préscolaire ». Ils vont paraitre très bientôt et sont destinés à toute l’Afrique francophone.
Magalie MUSSA OMBA